Marketing

LE CHOIX DU DURABLE POUR LES CLIENTELES : UNE QUESTION ESSENTIELLE ?

Nous vous proposons dans cet article une lecture succincte de l’étude des sensibilités des clientèles touristiques au tourisme durable portée par Atout France et sortie en juin 2023 (sur la base de données récoltées en 2022, avec 3 marchés étudiés : France, Allemagne, Royaume-Uni).

Lire la synthèse de l’étude

Accéder à l’étude complète (payante) depuis le site d’Atout France

 

Un webinaire reprenant les principaux enseignements de cette étude adaptée aux spécificités de notre région sera proposé à tous les adhérents de Bourgogne-Franche-Comté Tourisme au cours du premier semestre 2024.

 

Cette analyse est complétée par d’autres sources documentaires, dont l’étude de l’observation de la consommation responsable produite par L’ObSoCo en 2023.

L’étude d’Atout France fait suite à une précédente analyse réalisée en 2010 sur la même thématique, des évolutions peuvent alors être considérées.

Le top 5 des enseignements majeurs ressortant des études

1- Perception de la France par rapport au durable

Le tourisme durable apparait comme un critère différenciant entre destination touristique, la France bien que se situant à un bon niveau reste en concurrence avec certains pays reconnus pour être exemplaires en la matière tel que les pays du nord de l’Europe, l’Australie, le Canada, le Costa Rica, la Nouvelle-Zélande et l’Islande. Les atouts naturels de la France liés à la préservation de son environnement, de son patrimoine, la présence d’activités en lien avec la nature, l’accent mis sur la restauration fait maison à base de produits locaux… sont des forces quant à l’image “durable” de la destination mais des leviers d’amélioration sont identifiés par les répondants à l’enquête menée par Atout France pour en faire une destination de référence :

  • Mise en place de stratégie pour éviter la sur-fréquentation
  • Existence d’une large offre de moyens de transport peu polluant
  • Réalisation d’actions de sensibilisation des touristes
  • Facilité pour trouver des opérateurs touristiques favorisant l’insertion
  • Trouver un équilibre entre activités économiques liées au tourisme, préservation des écosystèmes des territoires et de la qualité de vie des habitants.

On note l’importance pour les clientèles de la prise en compte des critères environnementaux dans le classement des hébergements. La France doit poursuivre son travail de labellisation afin de rendre plus lisible sa stratégie et ses actions concrètes.

2 – Des clientèles sensibilisées, le responsable sous conditions

Selon l’étude d’Atout France, les aspirations profondes des clientèles tendent progressivement vers des thématiques propres au tourisme durable (rapport à la nature, à la santé, le « slow », la quête de sens…). Il y a une compréhension de la dimension durable par les clientèles centrée quasi-intégralement autour d’une approche environnementale. Même si la notion de « tourisme durable » est plus connue désormais (comparée à 2010), l’appropriation reste très progressive, notamment dans les pratiques, et dans l’approfondissement des composantes du concept.

La connaissance de la notion de tourisme durable n’induit pas directement une consommation responsable, plus particulièrement, dans la consommation liée aux vacances. Une baisse notoire de la place du durable dans le choix des vacances – par rapport à l’étude de 2010 d’Atout France – est d’ailleurs observable sur les marchés étudiés.

Plusieurs freins viennent limiter la consommation responsable des clientèles comme présentés ci-après.

  • Pour l’étude d’Atout France, concernant les personnes qui n’adhèrent pas au concept de tourisme durable, soit :
    • par distance avec le sujet (manque d’intérêt, rejet d’un « effet de mode »…),
    • par méconnaissance,
    • par freins projetés (peur de contraintes trop fortes, prix…)
  • Pour l’étude de l’ObSoCo, voici les freins des personnes ayant participé à l’enquête :
    • le coût (53% considère cela comme un obstacle important ou plutôt important),
    • le manque d’offres (39% considère cela comme un obstacle important ou plutôt important),
    • la difficulté à renoncer à son confort ou à son plaisir (37% […]),
    • Le manque d’informations (37% […]),
    • La difficulté à changer ses habitudes (36% […]),

Une fois ces freins identifiés, il s’agira pour les marques et entreprises intéressées d’intégrer dans leurs actions et communications une réassurance basée sur de nouveaux argumentaires (sincères et réalistes) auprès des clientèles.

3 – Une question de pouvoir d’achat

Selon l’étude menée par l’ObSoCo en 2023, 56% des Français ont conscience de la gravité de la situation environnementale et de son lien avec les modes de consommation et de vie, cependant, cette part est en recul de 5 points par rapport à 2020. On note en parallèle une augmentation des préoccupations relatives au pouvoir d’achat liées à l’inflation depuis 2022 ce qui favorise la sobriété subit.

Concernant les achats alimentaires, le prix est le 1er critère pour 40% des personnes interrogés soit une augmentation de 12 points par rapport à 2020. L’impact environnemental, classé comme critère prioritaire pour seulement 5% des répondant, arrive en 6ème position.

Source : étude ObSoCo – La consommation responsable : être idéaux et contraintes – 2023

Pour les achats non alimentaires, le prix reste également le 1er critère pour 44% des personnes interrogés.

Source : étude ObSoCo – La consommation responsable : être idéaux et contraintes – 2023

L’étude réalisée par Atout France nous montre que même si 75 à 95% des clientèles potentielles de la destination France (selon les marchés) sont sensibilisées aux enjeux environnementaux, la réalité des pratiques est moindre, notamment concernant les loisirs et les voyages qui restent soumis à un arbitrage global multicritères (attraits de la destination, prix, météo…).

Le budget est donc un des principal critère d’arbitrage, cependant, la clientèle potentielle de la destination semble capable d’assumer un surcoût lié à la démarche durable si cela est justifié et lié à d’autre atout tel que le confort, la qualité, le plaisir… Les offres de tourisme durable vont donc devoir trouver le bon positionnement-prix et apporter les garanties d’engagement nécessaires via des labels par exemple ou des engagements du prestataire.

4 – Clientèles VS moyens de transports

Traiter du sujet du tourisme durable ou de la consommation responsable nécessite d’évoquer le thème de la mobilité.

L’étude d’Atout France consacre une partie importante au sujet de la mobilité. La notion d’arbitrage pour les clientèles redevient clé, la mobilité apparaît comme une variable d’ajustement. La surreprésentation de la voiture dans les modes de transport utilisés par les clientèles n’est ni nouvelle, ni surprenante, notre propre enquête « observatoire en ligne des clientèles » portée par Bourgogne-Franche-Comté Tourisme affiche régulièrement plus de 90% des clientèles interrogées utilisent leur voiture pour venir dans nos destinations.

D’après l’étude de l’ObSoCo, le renoncement aux déplacements en avion pour les vacances (ou partir moins loin), ou encore le renoncement au maximum à l’utilisation de sa voiture personnelle pour des déplacements du quotidien sont moins perçus comme des actions individuelles susceptibles de changer les choses de façon positive.

Il apparaît utile de comprendre les motivations d’utilisation des différents moyens de transport, précisées dans l’étude d’Atout France. A cet égard, le choix de la voiture apparaît plus intéressant lorsque les clientèles souhaitent de l’autonomie, de la liberté, ou encore de la souplesse. La solution de l’avion apparaît pertinente pour des besoins évoqués de rapidité, ou d’accessibilité exclusive par cette voie. Pour finir, le train semble un moyen de transport utile lorsque les attentes sont liées au confort, au rapport qualité-prix, ou un rapport économique.

L’étude d’Atout France révèle des souhaits de clientèles pour leurs moyens de transports en vacances, mais d’une façon assez claire, le rapport à l’offre existante reste un critère majeur à prendre en compte. En cas de déficit d’offre de transport, les clientèles se tourneront majoritairement vers la solution la plus simple pour elles et la moins contraignante.

5 – A la limite de la rupture

L’étude d’Atout France analyse les modes de vies des clientèles, bouleversés depuis la crise sanitaire. Les comportements tendent vers une plus grande vigilance sur sa santé, son bien-être (personnel et familial), d’incarner davantage la sobriété dans la consommation et les activités vécues.

Les clientèles sont conscientes des changements nécessaires dans les modes de vie, mais ne disposent pas du même niveau d’acceptation dans la concrétisation de ces changements. La rupture forte dans les modes de vie (dont sobriété-frugalité) est envisagée par moins de la moitié des clientèles interrogées (toutes nationalités étudiées confondues), alors que davantage de personnes adhèrent au principe de progressivité dans le changement nécessaire (environ 2/3 des répondants).

L’Observatoire porté par l’ObSoCo confirme une certaine gradation des comportements liés à la consommation responsable, qui est traduite dans cette étude par le « degré d’engagement » vers une consommation responsable. Plusieurs groupes sont établis dont 3 qui forment les « engagés » pour environ 40%, ce qui se rapproche des clientèles répondantes à l’étude d’Atout France projetant une rupture forte dans leur mode de vie.

Source : étude ObSoCo – La consommation responsable : être idéaux et contraintes – 2023

Néanmoins, et c’est ce que montre l’étude de l’ObSoCo, ces « engagés » diffèrent dans leurs motivations. Pour exemple, la notion de prix évoquée plus haut impose une sobriété contrainte comme une des motivations, ce qui laisse apparaître une typologie de « contraints sensibilisés ». La matrice ci-dessous représente les différents groupes selon les motivations repérées avec des axes d’analyse : le degré de responsabilité et le degré de contrainte.

Source : étude ObSoCo – La consommation responsable : être idéaux et contraintes – 2023

CONCLUSION

Les études pointent des clientèles de plus en plus attentives aux enjeux de durabilité et de responsabilité. Elles suivent les évolutions de la société et expriment leurs propres désirs. Le secteur touristique doit s’adapter à ces changements, dans le domaine de la communication jusqu’aux consommations en période de vacances.

Des arbitrages sont nécessaires pour choisir son lieu de vacances, son hébergement, son moyen de transport, sa consommation sur place. La tendance majoritaire est au durable mais les clientèles semblent tournées vers le « faisable ». Pour exemple, le prix est au cœur de leurs décisions, dans un contexte inflationniste encore bien présent (+ 3,9% en décembre 2023 selon l’INSEE), même si la tendance semble plutôt baissière dernièrement.

Pour faciliter la dimension de choix attendue par les clientèles, la France peut capitaliser sur sa dynamique de labellisation, permettant de faciliter le tri entre plusieurs offres sur la base de critères vérifiés, grâce également à une connaissance accrue des labels par les clientèles. De plus, les modes de vie et comportements des clientèles doivent être prises en compte dans l’adaptation de nos discours de marques et surtout des offres touristiques à proposer. Pour ce faire, le travail de structuration et de qualification de nos offres est primordial (voir l’article concernant la mise à jour des informations sur Décibelles Data).

Les nouvelles pratiques affichées en termes de responsabilité dans les études vont nous permettre de questionner les positionnements marketing actuels de nos marques (La Bourgogne, Montagnes du Jura et le Massif des Vosges-Vosges du Sud). La prochaine étape sera la présentation au premier semestre de l’étude d’Atout France, pour la Bourgogne-Franche-Comté.

L’analyse des moyens de transport met en lumière les motivations qui se cachent derrière les choix opérés par les clientèles. Malgré la surreprésentation de l’utilisation de la voiture, comprendre les motivations relatives à chaque mode de transport permet de mieux appréhender les attentes, et, à cet égard, les destinations peuvent s’appuyer sur les offres existantes et en place.

Au final, chercher à savoir si les clientèles sont « responsables » n’est pas pertinent en soi, mais comprendre les comportements, les freins et les motivations des clientèles permet d’adapter ses offres, son discours de marque. Le tout, en tenant compte d’un contexte fluctuant et des tendances sociétales, qui orientent les aspirations des clientèles.

Le nouveau Schéma Régional de Développement Touristique et des Loisirs de Bourgogne-Franche-Comté (2023-2028) inscrit d’ailleurs cet horizon responsable à atteindre, incarné au sein des chantiers à suivre dans les prochaines années, en adaptant les offres et la communication.

 

Sources :

Sensibilités des clientèles touristiques au tourisme durable – Atout France

Observatoire de la consommation responsable_2ème édition – ObSoCo

INSEE – Indice des prix à la consommation

Observatoire en ligne des clientèles – Bourgogne-Franche-Comté Tourisme

Ces articles pourraient vous intéresser
En résumé